Héros de la Cybernation
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Rudy Rucker   « Welcome to Cyberia »

Tandis que la voix de Kiefer Sutherland nous souhaite la bienvenue dans la dimension Cyberia, (et n’oublions pas qu’il nous parle depuis les dernières années du précédent millénaire, le décalage avec la morne situation actuelle n’en sera que plus flagrant), un avatar multiple dévoile à l’écran ses facettes d’image de synthèse. Dernière zone d’autonomie temporaire, la réalité virtuelle semble receler un vrai potentiel comme terrain d’expérimentation et d’élargissement de la conscience. Plus malléable que l’espace classique, elle pourrait accueillir les plus incroyables créations de l’esprit, peut-être même servir d’interface entre le passé et le futur. La génération numérique dispose donc d’un formidable outil d’exploration. Comme le dit Rudy Rucker, auteur entre autres de l’incontournable série d’ouvrages des Software, Wetware, Freeware et Realware, «Le vecteur d’exploration privilégié dans la Science Fiction n’est plus la fusée spatiale mais l’ordinateur.» J’ajouterai qu’il en va de même dans la vie, pas seulement dans les romans de S-F.
On se souvient alors avec une tendresse respectueuse des débuts de l’informatique. Les images des années 60 au M.I.T. tremblotent en noir et blanc, icône réjouissante d’un jeune scientifique beatnik écoutant attentivement les explications sur ces nouveaux écrans, ce langage tout neuf, ces étranges machines pleines de possibilités. Sortis de l’université dans les années 70, Wozniak et Jobs étaient baignés dans la contre-culture. Amoureux d’idéaux de liberté totale, ils ont conçu puis offert au monde ce qui se fait de mieux en matière d’outils de communication : l’ordinateur personnel. Leur Apple Computer ne pouvait devenir un instrument de contrôle aux mains du pouvoir. Le projet était de donner aux individus un accès massif à cette nouvelle technologie, à ce moyen d’expression puissant, de démultiplier la force créative humaine.

William Gibson   « Hacking the system »

Il ne manque plus qu’un vecteur fluide pour relier ce potentiel en une entité cohérente. Equipés de Blue Boxes, ancêtres des modems, de jeunes bidouilleurs de talent s’infiltrent sur les réseaux téléphoniques : Phiber Optik, Acid Phreak, Captain Crunch et d’autres moins connus mais aux pseudos tout aussi réjouissants, inventent le phreaking. Ils découvrent alors un immense territoire vierge et sans défense, dans lequel ils apprennent à évoluer en toute liberté. Ces pirates informatiques étaient les premiers, avant eux, il n’y avait personne dans le cyberespace. Les activistes hackers créent un courant culturel en appliquant l’esprit punk du Do it Yourself aux technologies de pointe.


Rapidement, on peut communiquer via les ordinateurs interconnectés. Le concept de cyberespace se manifeste pour la première fois en 1984 dans l’esprit de l’auteur de science-fiction William Gibson (il n’avait pourtant même pas de modem!), pour son roman Neuromancer qui remporte de nombreuses distinctions : Hugo, Nebula, Philip K. Dick, etc… Révolution des mentalités, de la morale dans l’univers de la S-F, le mouvement cyberpunk intègre l’élément bohème qui manquait aux visions aseptisées du futur. Adapté en jeu de rôle par Talsorian, Cyberpunk forme la première génération de netrunners pour qui le cyberespace et la réalité partagent le même échelon de valeur. La fiction devient réalité dès les années 90. Comme le formule Marshall McLuhan, «Nous externalisons notre système nerveux en tant qu’espèce humaine. Nous développons un système nerveux externe commun.» Internet se met à exister.

 

Kevin Alexander, Rebels «A Journey Underground », 1998, diffusé par Canal Jimmy en mai 2002

 Voir l'article sur L'Idéaliste
 
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