"Le monde est un kacheton
que Dieu a avalé dans un Burger King"
© poème made in Tula
Plus que la défonce, ce qui éklate
vraiment Kaiser, c'est le son efficace et travaillé, comme quand son
pote Roni mixe au Lunatik. Une techno Detroit style, mais libérée des
carcans, aux platines un DJ de la classe de Juan Atkins, Carl Craig,
Derick May ou Kevin Sanderson… Plus de la moitié du frik du bizness
est investie dans les vinyles, des murs entiers de skeuds dans le garage
de la barake paternelle à Alameda, une chambre tapissée de posters de
raves. De quoi passer le mur du son, surtout quand on y est allé dans
toutes ces teufs! Des souvenirs de Kaiser rencontrant Tula, treize ans,
mignonne rêveuse qui échangeait son numéro de portable contre une ligne
et ça dure encore.
"C'est vrai qu'à l'époque je venais juste
d'avoir dix-sept ans et que je me rendais pas compte d'un tas de choses
qui, aujourd'hui à dix-huit ans, me semblent évidentes parce que j'ai
mûri."
Ce qui compte dans les rues de Madrid
pour bien gérer son deal, c'est de jouer selon les règles ou alors d'avoir
la carrure pour imposer les siennes. Et quand une bande de boulets psychopathes
comme Tijuana, Kiko et Gonzalito décident d'organiser un braquage, les
vraies galères ne sont pas loin. Un plan échafaudé autour de quelques
rails qui dérape, des embrouilles territoriales sur les ventes de koke,
résultat : demaciado is too much, un mek reste sur le carreau.
De quoi se prendre la parano ! Alors Kaiser prend la M30 sur sa
Vespa, avec un .38 et un kilo de kame dans son sac. Heureusement, avec
toutes les amphètes qu'il a bouffé, il est hyper clair et le Festimad
c'est par là…
Fresh beat de la zone
L'écriture de Manas déborde d'énergie.
Un rythme électro qui anime un bataillon de personnages plus vrais que
nature, dans un univers littéraire où une image super-craignos de la
Vierge dans un cadre fait avec des coquillages, trône sur une Sony Trinitron
à écran géant, dans une ville à l'architecture délirante dont les toits
abritent des statues de dragons et amazones qui prouvent à quel point
les Madrilènes d'avant étaient disjonktés, dans la vie d'un mek en plein
flip ki a l'impression d'être un extraterrestre.
Tendus entre humour et violence,
les dialogues se lisent comme ils se parlent à moins de vingt ans, conversations
hachées, propos de bar, bruit de la rue, flash d'une époque. José Angel
Mañas déglangue la lingue à coup de K, koka-kéta-eksta ki kourt-cirkuitent
la kritik par explosion de style. Un roman balistique, le sixième d'un
auteur de trente ans qui sait ce dont il parle. A lire en hallucinant
grave !
Voilà, je vous laisse redescendre en compagnie de Kaiser qui va expliquer
ce que signifie "disjonkté", ce qui n'est pas chose facile : "On
dit ça kand… eh bien, kand tu te blokes et ke tu peux plus exprimer
une idée, c'est komme pour les vinyles qui sont rayés et arrêtent pas
de sauter. Komme kand kelk'un est komplètement à la masse, par exemple.
Ou kand on s'enfile kelkes rails et ke…"
Stig Legrand - Juin 2003