Le dîner


Rose et pétulante, Tilda met les dernières touches à la réception organisée ce soir pour éblouir les relations d’affaire de son mari, Alex. Son sourire est légèrement crispé ; l’heure tourne et tout doit être parfait, du plan de table au nœud du tablier de la jeune serveuse louée pour l’occasion.

Soudain, on sonne à la porte.

De l’agacement, l’humeur de Tilda glisse vers la consternation lorsqu’elle découvre Clarrie, son imprévisible belle-sœur débarquée à l’improviste, égarée sans son époux sur le pas de la porte.


Dès l’apéritif, avec l’arrivée des premiers convives, l’agréable soirée entre amis qu’espérait tant Tilda commence à déraper inéluctablement. Pour Clarrie, chaque petit rituel social se transforme en épreuve quasi insurmontable, soulevant chez ses hôtes une incompréhension teintée d’hostilité. De la traversée du tapis du salon qui prend les proportions d’un désert liquide au choix laborieux parmi les alcools, sa terreur enfantine la laisse vulnérable face à la crème de la société londonienne.

Clarrie n’est manifestement pas dans son assiette, quand arrive le moment de dîner. Chacun s’efforce bien de sauver les apparences, mais l’étrange personnalité de Clarrie agit comme un révélateur de l’absurdité inhérente. Les mets savoureux qui se succèdent sur la table élégamment dressée, rythment de notes douces-amères le naufrage des conversations mondaines, tandis que tous finissent par mettre les pieds dans le plat.

Anna Davis a participé à l’élaboration du manifeste en dix points des «Nouveaux Puritains», mouvement qui rassemble des auteurs comme Alex Garland (La Plage, Tesseract), Nicholas Blincoe (Jello Salad, The Dope Priest, Acid Casuals, Manchester Slingback, etc…), et une douzaine d’autres jeunes écrivains anglo-saxons. Par ce premier roman, elle illustre avec un humour acide les dogmes de leur credo : «une littérature ancrée dans le réel, dégagée de toute rhétorique, un récit compris comme fragment d’une époque».

Stig Legrand 2002

Anna Davis, «Le dîner», NiL Editions, 2001,
traduit de l’anglais par Dominique Defert, (VO 1999) 317 p.

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