Il s'en passe de belles au marketing …
Premier contact
entre les protagonistes : l'entretien d'embauche. C'est l'été ;
angoisse et canicule se combinent pour faire perler la sueur, les mains
sont moites, les murs sont gris chez HBMB. Sur l'intuition de la timide
Mélissa, chargée des ressources humaines, le géant des cosmétiques recrute
pourtant ce candidat brillant et atypique.
Commence alors l'ascension presque
involontaire du nouvel employé : renfermé, quasi reclus, sa vie
sociale inexistante lui laisse tout loisir de s'accomplir dans le travail.
Véritable force de proposition, il entraîne le département hygiène-beauté
dans une spirale de la réussite qui attire l'attention des cadres supérieurs
et de Joséphine, une ambitieuse collègue. De promotion en promotion,
Ferdinand laisse ses aînés sur le carreau et rejoint le cercle de la
direction.
Chaque nuit, rue de Rivoli, l'écran
de l'ordinateur éclaire le petit studio de Ferdinand. Les touches du
clavier cliquettent doucement, au rythme de conversations insomniaques
qui passionnent les scientifiques des quatre coins du globe. Algorithmes
génétiques, réseaux neuronaux, logiciels croisés, simulations appliquées
aux fluctuations boursières, sociologie et philosophie s'interpolent
et se fécondent sur les notes jazzy d'une Night in Tunisia. Ainsi
naissent des amitiés plus solides que virtuelles, ainsi se développent
les réseaux iconoclastes, ainsi commencent les révolutions.
Mayday… Mayday… Mayday…
Parallèlement à son ascension professionnelle
dans le ventre du marketing, Ferdinand s'empêtre chaque jour un peu
plus entre les cuisses de Joséphine. Sa plastique n'est peut-être pas
parfaite, mais la jeune femme n'a aucun mal à prendre l'initiative puis
l'avantage dans une relation qui tient autant du rapport de force que
du malentendu.
"Qui a déjà eu la tête à l'envers et la chair liquide à la vue d'une
ligne de bitume ? Qui connaît cette sensation, ce corps soulevé
à l'intérieur du corps, une turbine entre deux poumons ?" Toujours
aussi seul en haut de sa pyramide, Ferdinand ne se réalise qu'en plein
ciel, heure après heure de bonheur et d'oubli aux commandes de son avion.
"Le ciel lui appartient, ainsi que la vitesse. Ferdinand vole dans
le meilleur des mondes."
L'homme n'est pas né pour travailler
L'économie doit être remise à sa place comme
simple moyen de la vie humaine et non comme fin ultime. (RAD)
Contraint de dégraisser les effectifs
malgré les bénéfices réalisés par ses sociétés, conscient des vies brisées
qui n'entrent jamais dans les équations, le puissant chef d'entreprise
qu'est devenu Ferdinand Bataille a enfin le courage de constater l'échec
du modèle économique auquel il appartient. Le travail a fait son temps
comme valeur centrale de l'individu. Mais comment faire basculer le
monde dans l'ère des loisirs ? Comment concrétiser l'utopie ?
La technologie est là, il suffit de regarder avec des yeux neufs pour
deviner la solution !
La révolution est-elle un loisir de bourgeois
?
Avec ce quatrième roman, Valérie
Tong Cuong dépasse l'exploration de la marginalité pour s'interroger
sur les impasses de notre époque.
L'homme est-il prêt à gagner sa liberté ? Une voix féminine ouvre
ici des pistes audacieuses qui ne se contentent pas de redonner espoir
mais qui démontrent que c'est possible.
Découvrez
le repaire des iconoclastes
Stig Legrand - Mars 2003