Arrête de faire le cornichon !
Il s'appelle Icare,
mais tout le monde l'appelle Courgette. Quand Raymond le gendarme lui
retire le revolver des mains, il croise le regard d'un petit garçon
au bout du rouleau qui semble bien mal parti pour s'envoler vers la
vie. Un saut au commissariat et Courgette l'orphelin est placé aux Fontaines,
foyer d'accueil tenu par Madame Papineau tout près de Fontainebleau.
Les murs du château des Fontaines ne sont pas là pour enfermer les sales
gosses. Ils protègent plutôt des enfants traumatisés, qui se serrent
les coudes pour oublier que leurs parents leur manquent, ou qu'ils redoutent
leur famille plus que tout au monde.
Coquards au cœur, cicatrices indélébiles et bobos de toutes tailles
que l'infirmière ne sait pas toujours guérir, et qui préoccupent les
psychologues. Rosy fait partie des zéducs et elle nourrit ses petits
pensionnaires d'un amour aussi gros que son derrière et que ses préjugés.
Au foyer d'accueil, Courgette partage une chambre avec Simon et Ahmed,
qui de bagarres en confidences vont devenir ses premiers vrais copains.
C'est beau l'amour
Il y a aussi Béatrice
et Alice, deux fillettes tendres et meurtries, les frères Chafouin et
leur complicité à base de jeux incompréhensibles, le gros Jujube qui
compense avec son appétit, et surtout, il y a Camille. Camille c'est
un ange, et quand elle regarde Courgette avec ses yeux très très verts,
il devient aussi rouge qu'une tomate. Entre Courgette et Camille, il
y a plein de bisous secrets, des aventures où on se perd dans la forêt,
des punitions partagées et un présent tellement heureux qu'il pourrait
même avoir de l'avenir. Mais seulement si Camille échappe à sa sorcière
de tante…
Quand le chauffeur du bus chante une chanson de Sheila, encore plus
fort que sa cassette, quand un chat errant décide de se laisser faire
par la plus timide des petites et de s'installer comme chez lui aux
Fontaines, quand les enfants préparent un anniversaire, on dirait vraiment
qu'on peut croire à la vie, que les grands ne racontent pas que des
mensonges quand ils disent que tout ira bien… Tout compte fait, il suffit
parfois d'un peu beaucoup d'amour pour changer les citrouilles en carrosse
et les malheureux en Courgette.
Gilles Paris mange le morceau
Peut-être que Gilles
Paris n'est pas tellement différent de l'homme que Courgette imagine
devenir quand le petit garçon s'écrie : "Moi, quand je serai
vieux, j'aurai toujours dix ans et je poserai toutes sortes de questions
idiotes et j'aurai pas une seule ride."
Cette autobiographie est écrite avec des mots d'enfant, pari difficile
à tenir mais qui d'une contrainte de style fait surgir une vraie liberté
innocente. Qui d'autre que Courgette aurait pu ouvrir des yeux aussi
curieux sur le monde, rire à gorge déployée de la joie toute simple
de le découvrir et céder aux grosses larmes qui débordent quand il s'aperçoit
qu'il est aimé ?
Non, tous les enfants n'ont pas rendu leur costume de super héros optimiste
au vestiaire de l'adolescence, il y a des adultes qui osent toujours
porter un regard émerveillé sur la capacité des gosses perdus à transformer
l'autopsie du malheur en autobiographie rigolote. Il y a vraiment des
grands pour écrire des contes modernes plein d'humour. Il y a même des
écrivains qui croient encore au secret des barbus…
Stig Legrand - Mai 2003