611 Sud


Convulsions Siciliennes

Quand il n’y a plus de héros, quand le monde se résume à une ritournelle usée, alors surgissent parfois, extirpés avec une terrible désinvolture de la manche du destin, des enfants taillés pour la tragédie.

Ainsi commence le cauchemar d’un tout jeune homme, arraché à son ébauche d’univers, convoqué séance tenante, sur une terre âpre par son implacable ancêtre.



Le «Vieux» règne sur la Sicile, mais elle a refusé de fournir un cautère local à la haine qui le tourmente. Son soulagement ne sera possible qu’à travers la plus inhumaine violence, fardeau dont il charge son petit-fils, son messager. Ce covenant sauvage tient en une liste funeste. Un répertoire de 611 noms, 611 coupables, 611 raisons de voir rouge. Chaque cadavre vaut un million, tel est le contrat passé avec le patriarche.

Le petit-fils va tailler dans la peau brûlante de l’île, avec son dard chargé de poison, tatouer un gigantesque motif tribal, de rouge et de noir. 611 repères, reliés au poinçon sous le soleil, 611 vies qu’on retourne en 611 morts. Divisés par trois, multipliés par l’infini. Un algorythme cabalistique, une géométrie morale, édifiés sur des bases gauchies.

Face à la peur, contre la souffrance, il échange masculin et féminin : trois hommes par jour pour écouler le sang, trois femmes par nuit pour recevoir le sperme en une permutation métabolique des fluides humains.

«611 Sud» s’adresse aux sens plutôt qu’à l’intellect. L’intrigue formelle n’est là que pour servir l’émotion, le style exalté, la percussion des mots contre le mur de la page. Frédéric Galante flirte peut-être avec le roman noir, mais il vit surtout une passion ardente avec la poésie rouge.

Stig Legrand 2002

Frédéric Galante, «611 Sud», Pauvert, 2001, 161 p.

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